Le mot chalet, diminutif de "cala", abri, originaire de suisse romande (Dict. Le Robert), est trop marqué par l'architecture d'un pays pour correspondre aux maisons de rondins bruts, que ce soit au sens divulgué par Jean-Jacques Rousseau au XVIIIè siècle ("cabane de paysan suisse recouverte de planches"), ou au sens où on l'entend aujourd'hui, un sens qui est apparu dans les années trente avec le développement des sports d'hiver ("maison de plaisance construite dans le goût des chalets suisses"). Comme le souligne Pierre Pétrequin, archéologue, la maison à empilage de bois croisés n'est d'aucun temps et d'aucun pays, mais elle est liée "aux climats froids ou frais, à la montagne ou à l'exploitation de la forêt"; alors on comprend qu'elle a eu, qu'elle a toujours sa place dans nos pays.
Ce mode de construction, on le
trouve effectivement en France du nord au sud des Alpes, mais également
bien loin des montagnes.
Dans la tradition française,
on commence à le redécouvrir, il existait des maisons de
rondins bruts dans toutes les forêts de résineux ou de feuillus,
de la Franche-Comté aux Landes, des Vosges au Bourbonnais, dans
la célèbre forêt de Tronçais notamment, où
Colbert prenait le bois de ses navires. C'était les habitations
de tous les bûcherons, charbonniers, scieurs, sabotiers, forgerons
... qui vivaient là en grand nombre, sur leur lieu de travail, une
immense ruche dans les bois. Mais dira-t-on, des cabanes de bûcherons,
est-ce bien des maisons ? Ce sont des maisons rudimentaires, certes; mais
les "bûcheux" du Bourbonnais décrits par George Sand ou Cécile,
la fille des bûcherons de la forêt de Chaux, n'auraient pour
rien au monde échangé leur "cabiole", leur "baraque" ou leur
"bacu" dans la forêt, contre le confort de draps blancs dans un village
de la plaine, et de leur liberté. Pas toujours bien vus des paysans,
un peu marginaux, mais libres et artistes, ... à l'image peut-être
de tous ceux qui veulent vivre dans une maison de bois bruts.
Et que dire aussi de ces bâtisses
du Lot ou de Dordogne faites d'énormes poutres de chêne empilées,
construites au XVIè siècle, et dont, au Québec, on
retrouve comme les cousines au siècle suivant ? Cette tradition
de construction en bois bruts empilés était donc bien vivace
en France quand, des forêts du Bourbonnais ou de Franche-Comté,
ou des pays de bastides du sud-ouest s'embarquèrent les pionniers
qui partiront peupler le Canada, où ils emporteront avec eux le
mode de construire en bois empilés "pièce-sur-pièce".
Mais jusqu'à maintenant, cette tradition était bien oubliée. Rénovée et modernisée dans le Nouveau Monde, elle revient aujourd'hui sur le vieux continent. Puissent les pages qui suivent combler ces deux siècles d'oubli et de mépris et permettre à tous ceux qui le souhaitent d'innover dans une tradition retrouvée.
(Extrait de l'introduction du Cahier N°3 de l'ART DE LA FUSTE (conception et plan)
voir aussi :
pour une architecture contemporaine...en
bois massif dans le Doubs
Avant la fuste : dans la forêt de Tronçais
Une
architecte présente ses réalisations en bois brut et matériaux
naturels
Construire
en bois brut et matériaux naturels